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éditorial : L'époque n'est pas si lointaine où, dans le monde enseignant, l'adaptation de la formation aux besoins des industries et des services marchands apparaissait incongrue voire immorale. Former de jeunes cerveaux pour les jeter en pâture à la dure loi du marché était, pour beaucoup d'instituteurs et de professeurs, un crève-cœur. De la même façon, de nombreux parents considéraient comme une déchéance de voir leurs enfants emprunter la voie de l'enseignement technique plutôt que celle, beaucoup plus noble à leurs yeux, du "classique". Mais paradoxalement, les uns et les autres, enseignants et parents, n'hésitaient pas à précipiter leurs meilleurs éléments, à peine sortis des jupes de leur mère, dans la compétition infernale des préparations aux grandes écoles. Puisqu'on savait qu'un diplôme de l'X, de Centrale ou de l'Ena leur garantirait, à vie, le droit de diriger les autres. Tout cela fait partie, aussi, de la fameuse "exception française". Le monde de la recherche nourrissait, pour une partie, le même esprit. Seule, la recherche fondamentale était noble et le compagnonnage avec des industriels jugé vulgaire et parfois même considéré comme une trahison. En tout état de cause, la recherche devait rester dans son univers propre, loin de la compréhension des simples mortels. Et s'il était recommandé de publier dans des revues scientifiques internationales de haut vol, il n'était pas bon, pour sa carrière, de dispenser une part de son savoir dans des revues destinées au grand public... C'est pour toutes ces raisons que lorsqu'il y a un peu plus de dix ans, Jean-Pierre Michel, alors Délégué régional à la Recherche, et Christian Brochet, qui devait devenir peu après directeur du CNRS Aquitaine-Poitou-Charentes, me firent part de leur souhait de créer une revue qui valoriserait les travaux de la recherche régionale, publique ou privée, consoliderait les passerelles avec le monde de l'industrie et ferait découvrir au public les nombreuses innovations scientifiques, techniques et culturelles de la région, j'adhérais immédiatement au projet. J'avais, en outre, et d'autres avec moi, été suffisamment agacé, quand j'étais journaliste à Paris, de voir ma région d'origine assimilée - en raison d'intenses campagnes de publicité - à deux productions de qualité, certes, mais quelque peu réductrices : le beurre "Charentes-Poitou" et le fromage de chèvre. Ce qui ne manquait pas de faire pouffer nos interlocuteurs qui se plaisaient, bien entendu, à nous imaginer la bouse aux pieds... La création de ce qui allait devenir l'Espace Mendès France, et dont Christian Brochet était le président, allait être l'occasion de lancer cette revue, dans le même esprit que cet établissement de diffusion de la culture scientifique et technique. J'y prêtais la main en tant que technicien du journalisme. Il s'agissait de faire une revue "positive" qui soit une vitrine des innovations scientifiques, techniques et culturelles de la région Poitou-Charentes et offre des espaces de réflexion, en dehors de tout esprit partisan et surtout en dehors de tout parti pris politique. Dès le début, les choses ont été claires entre nos partenaires, indirects avec la mairie de Poitiers, créateur de l'Espace Mendès France, et directs avec le Conseil régional de Poitou-Charentes : de notre côté, nous valorisons les innovations le mieux que nous pouvons, de leur côté, ils s'interdisent d'intervenir dans le contenu. Ce qui surprend souvent ceux qui voient dans toute entreprise médiatique une tentative de propagande politicienne. Je dois rendre hommage, sur ce point, à Jean-Pierre Raffarin et Jacques Santrot. Leur passion pour la Région et pour Poitiers leur a fait taire les réticences qui s'élevaient parfois, ici ou là, dans leurs entourages qui soupçonnaient la revue de "rouler" ou pour l'un ou pour l'autre... C'est en raison de cette clarté affichée de nos rapports avec nos financeurs et de la confiance que nous manifestent la direction de l'Espace Mendès France, notre éditeur, et le conseil d'administration de l'association gérant l'établissement, présidé par Yves Cenatiempo, que Jean-Luc Terradillos, journaliste incontesté dans la profession, a pu regrouper, autour de lui, un très grand nombre de confrères et de photographes de talent. Il a donné une nouvelle impulsion à la revue qui avait bien failli sombrer dans les convulsions de jeunesse de l'Espace. Et c'est grâce à l'arrivée de Didier Moreau, à la tête de l'établissement, que L'Actualité s'est stabilisée et a pu se développer sereinement. Sans nous décerner de satisfecit, car il reste beaucoup à faire, la diffusion de la revue progresse, trop lentement à notre gré mais notre périodicité n'est que trimestrielle et nos moyens modestes. Ce qui est surtout très satisfaisant - à mes yeux - c'est que sa qualité, dans la forme et le contenu, est aujourd'hui reconnue, en dehors de notre région et à l'étranger, et que ceux qui découvrent L'Actualité sont étonnés : "On ne savait pas qu'on faisait autant de choses en Poitou-Charentes !" (sous-entendu : "en dehors du beurre et du fromage de chèvre"...) Un seul regret, c'est que les services de documentation des établissements scolaires et universitaires de la région ne soient pas tous encore abonnés à L'Actualité Poitou-Charentes. Il est pourtant indispensable que tous les élèves et les étudiants sachent ce qui se fait et se crée dans la région qu'ils habitent pour pouvoir y travailler demain. Claude Fouchier